Corcelles a toujours été un village à vocation agricole. Il est pourtant des signes qui prouvent que son histoire est fortement liée à celle du travail du fer. Sa situation géographique tout d'abord :
Corcelles est placé sur ce que l'historien Quiquerez appelle "la route du fer". Cette voie reliait en effet Erschwil à Crémines (Creux-de-mines). Sur le territoire communal, on peut encore voir les emplacements de deux anciennes minières. Si l'on ignore à quand remonte le début de l'exploitation de ces minières, on sait par contre que la dernière concession fut demandée par les frères Jeanprêtre en 1874. Leurs recherches s'avérèrent d'ailleurs vaines, puisqu'ils ne purent dépasser le terrain tertiaire pour parvenir au sidérolithique. L'entrée des galeries fut obturée en 1915 par les agriculteurs puis la nature détruisit la première partie de la mine. Le matériau puisé au flan du Maljon était (jadis) véhiculé par des chars attelés jusqu'au lieu-dit Les Lavous (Lavoirs), situé juste au-dessous de la ferme de La Tu. Dans des bassins de bois, il était alors débarrassé des ses impuretés avant d'être acheminé vers les haut-fourneaux de Louis de Roll à Saint-Joseph et Balsthal.
Un deuxième fait qui lie Corcelles au fer est l'importance et le nombre des "crassiers" que l'on rencontre un peu partout sur le territoire du village, et cela jusque sur les pâturages de montagnes les plus retirés (Raimeux, Maljon). Ils laissent apparaître des scories pesant de quelques grammes à plusieurs kilos. Différents historiens avaient déjà relevé la présence de forges probablement d'époque celtique entre Crémines et Elay. L'un de ces "crassiers" est si important que le propriétaire dut renoncer à cultiver le champ qu'il occupe, le soc de sa charrue étant régulièrement endommagé par les scories gisant à fleur de terre.
Dans ce contexte d'extraction et de préparation du métal, il est logique d'inscrire le dernier maillon, celui de la transformation du fer en outils utilisables par les paysans et les bûcherons de la région. Ce travail se faisait dans la taillanderie.
Il est pratiquement certain qu'elle n'existait pas au XVIIème siècle. Tout laisse supposer que le bâtiment qui abrite le martinet fut d'abord un moulin à grains et qu'il devint taillanderie en 1791. Le premier martinatier qui nous est connu par les archives communales est Jacob Jeanprêtre. D'aucuns prétendent que le moulin à fer aurait à cette époque fabriqué des armes pour les armées napoléoniennes. Le martinet assurait du travail pour quatre à cinq personnes. L'installation était mue par l'eau de la Gaibiat qui, à cet endroit, était déjà grossie de celle du Gore Virat. L'unique roue hydraulique actionnait alors trois marteaux: l'un dit de queue, petit et rapide était destiné aux travaux de finition. Les deux autres, plus lourds (45kg et 80kg) permettaient les travaux de base et étaient placés perpendiculairement à l'arbre.
Ce n'est qu'au début du siècle que le propriétaire décida d'adjoindre au mécanisme une deuxième roue. Elle actionnait une grande meule, un tour, une perceuse, un soufflet, ainsi qu'un battoir placé dans la remise contiguë. La bienfacture du travail exécuté par le martinatier lui valut rapidement une nombreuse clientèle de paysans et d'artisans. Les haches, cisailles, crocs à gentiane, lombards, pioches et même piolets, sortaient en grand nombre de la petite entreprise familiale.
L'entretien de la forge était important. L'opération la plus délicate était certainement le changement de meule. Elle se répétait chaque année. Cette grande pierre d'un diamètre de 240cm provenait de Saverne en Alsace. Son poids avoisinait une tonne et sa mise en place exigeait le travail de neuf hommes durant une journée. Jusque dans les années 1950, la fabrication d'ustensiles agricoles, le cerclage des roues de chars et la confection de barrières se poursuivirent dans la taillanderie. Puis les taillandiers disparurent les uns après les autres.